jeudi 4 septembre 2014

Marcel Narchi

Jean Boggio vient de nous informer du décès de Marcel Narchi, une bien triste nouvelle.
Dans ce moment difficile, je fais part, au nom du Cavalier de la Tourelle, de toute notre sympathie et de notre soutien à ses proches.


Marcel avait joué la saison dernière une partie par équipe et m'avait indiqué qu'il était malade...

Marcel s'était inscrit au Cavalier de la Tourelle en 2003.
A cette époque j'avais commencé la rédaction d'un bulletin d'informations pour le club et j'avais eu l'occasion d'avoir une entrevue avec lui.
Quelqu'un de discret et cultivé, passionné par le jeu d'échecs.

Cette entrevue est parue dans le bulletin n°5 de janvier 2004. Il y a plus de dix ans...
Voici le texte tel qu'il a été publié à l'époque.

Marcel est arrivé cette année au club d’Échecs de Saint-Mandé. Mais ce n’est pas pour autant un débutant ! Loin de là ! C’est un joueur très fort (2205 ELO) qui occupe le 3ème échiquier de l’équipe de NII adulte. Je vous renvoie au bulletin N°4 pour voir sa magnifique victoire contre un joueur professionnel de l’équipe d’Épinal. 
Laissons la parole à Marcel, un joueur d’Échecs au parcours étonnant !

« J’ai appris à jouer seulement à l’âge de 15 ans, en 1972 lors du fameux match du championnat du Monde entre Spassky et Fischer. J’ignorai tout de ce jeu avant d’apprendre le déplacement des pièces, bien que dans mon entourage pas mal de gens jouaient aux Echecs


En fait, pour commencer les choses plus correctement, je suis né au Mali en Afrique (alors sous mandat Français), puis à l’âge de 6 ans je suis revenu au Liban d’où est originaire toute ma famille. C’est donc au Liban que j’ai appris à jouer aux Echecs. Ensuite c’est seulement à l’âge de 33 ans que je suis parti du Liban. J’ai obtenu la nationalité Française il y a 3 ans maintenant.

Pour revenir aux Echecs, j’ai été impressionné par le style de Spassky et la technique de Fischer. Je suivais avec mes copains le match dans la presse. Pris de passion pour ce jeu, j’ai commencé à acheter des bouquins. Les autres me traitaient de « fou », car pour eux c’était bizarre de s’intéresser à ce point aux Echecs ! Mais je suis quelqu’un de passionné !  Je fus donc le premier de mon village au Liban à acheter des livres d’Echecs. En effet, sans qu’il y ait de très fort joueur, il existait une véritable tradition du jeu d’Echecs dans mon village. Ainsi au bout d’un an j’en suis devenu le plus fort joueur et plus personne n’osait jouer contre moi !  


J’avoue que j’ai gardé de cette époque une qualité : j’adore attaquer aux Echecs et c’est avec l’initiative que je suis le plus fort, mais également un défaut : je joue très mal les finales !...
Puis au cours de mes études, j’ai participé à de nombreux tournois aux Liban, dont les championnats universitaires que j’ai remportés à deux reprises. Mais à cause de la terrible guerre civile, il y avait de moins en moins de tournois.

En 1981, j’ai participé à mon premier tournoi en dehors du Liban, contre une sélection universitaire Hongroise. Puis ensuite le championnat du monde des moins de 26 ans à Graz en Autriche. C’est là que j’ai vu Kouatly (premier Grand Maître International Français) faire match nul contre Kasparov, qui était junior à l’époque. En 1982, j’ai été sélectionné dans l’équipe Nationale du Liban pour jouer les Olympiades (à Lucerne en Suisse) à l’échiquier N°3, et c’est là que j’ai obtenu mon premier classement International.


(NDLR : les Olympiades représentent, tous les deux ans, le championnat du Monde des nations par équipe pour le jeu d’Echecs).


Mais déçu par la fédération Libanaise et à cause de la guerre civile, j’ai perdu toute motivation pour le jeu d’Echecs. J’ai arrêté d’y jouer et je suis arrivé en France en 1989. Ce jeu était totalement sorti de ma vie, et là je sors d’une grave dépression nerveuse et la reprise du jeu d’Echecs fait partie de ma thérapie. Je joue actuellement vraiment pour m’amuser sans les préparations que j’avais auparavant. Je vois les Echecs comme un jeu !


J’ai commencé à reprendre en voyant les parties en direct sur Internet. Puis c’est par hasard, habitant à Saint-Mandé, que j’ai découvert sur le site de la Fédération Française des Echecs l’existence d’un club à Saint-Mandé.

Ce qui m’a marqué dans le jeu d’Echecs, c’est la partie Kortchnoï / Kasparov, aux Olympiades de Lucerne à laquelle je participais. Les Soviétiques ne voulaient pas que Karpov jouent contre Kortchnoï (le dissident jouant alors dans l’équipe de la Suisse) et ils ont donc fait jouer le jeune Kasparov avec les Noirs. 

Et là, Kasparov a joué une partie incroyable, puis quand je l’ai vu se lever de sa chaise, j’ai vu qu’il avait gagné avant que le résultat ne soit annoncé officiellement sur le grand écran. Kasparov avait alors véritablement le regard d’un tueur. J’ai immédiatement fait une photo… que j’ai laissée hélas au Liban… » 

Merci beaucoup, Marcel, pour cette entrevue !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire