A l’occasion de l’Exposition universelle de Londres de 1851, un groupe de joueurs européens (Bledow, von der Lasa, Kennedy et Staunton) eut l’idée d’organiser un tournoi international pour y promouvoir le jeu d’échecs, et dont le vainqueur serait déclaré champion du monde.
Ce tournoi (à élimination directe) contribua notamment à définir des questions fondamentales d’arbitrage : les contrôles réguliers du temps, la notation des coups et les règles du jeu en compétition d’échecs.
L’exposition universelle de 1851, à Londres : vue de l’intérieur du Crystal Palace, à Hyde Park.
Seize joueurs(*) participèrent à ce tournoi qui fut remporté par Anderssen devant Wyvill. Dans le match pour la 3ème place, Staunton s’inclina de peu devant Elijah Williams. Une déception pour Staunton considéré comme le meilleur joueur du monde depuis sa victoire sur Saint-Amant en 1843 à Paris, et qui comptait bien remporter « son tournoi ».
Staunton perdit 4-1 en demi-finale, face à Anderssen, le futur vainqueur du tournoi (dont il avait sans doute sous-estimé la force). Staunton remporta tout de même contre ce dernier une belle partie avec les Blancs (Partie italienne, 30 coups) conclue par un mat.
(*) Royaume-Uni : Howard Staunton, Marmaduke Wyvill, Elijah Williams, Henry Bird, Hugh Alexander Kennedy, Edward Löwe, E. S. Kennedy, James Mucklow, Samuel Newham et Alfred Brodie ; Allemagne : Adolf Anderssen, Bernhard Horwitz et Carl Mayet ; Hongrie : Johann Löwenthal (exilé aux USA) et József Szén ; France : Lionel Kieseritzky.
(NDLR : Plusieurs autres grands joueurs de l’époque, invités, ne purent pas se rendre à Londres : von der Lasa, Petrov, Jaenish,… Quant à Saint-Amant il se trouvait alors en Californie).
Howard Staunton
Howard Staunton (1810-1864, Angleterre) est considéré comme le meilleur joueur d’échecs du monde durant la période 1843-1851.
Ses articles et ses livres (ex. : The Chess-Player's Handbook, 1847) ont grandement contribué au développement des échecs. (NDLR. - En plus des échecs, Staunton était un spécialiste de Shakespeare).
On lui doit l’ouverture anglaise (1.c4) et le gambit Staunton dans la défense hollandaise (1.d4 f5 2.e4!?). Sa maîtrise du jeu positionnel en fait pour certains le père des échecs modernes (d’autres citent plutôt Steinitz, premier champion du monde officiel des échecs : 1886-1894).
Staunton est également sujet à controverse : certains le soupçonnent de stratégie d’évitement pour ne pas affronter Paul Morphy, jeune prodige de La Nouvelle-Orléans, USA (dont la mère était française), coqueluche du Café de la Régence à Paris (là où Staunton avait détrôné Saint-Amant en 1843).
Adolf Anderssen
Adolf Anderssen, 1818-1879, Allemagne. Professeur de mathématiques de profession, joueur d’échecs par passion, Anderssen était un joueur d’échecs de l’école romantique, où l’attaque prime sur le matériel (Paul Morphy est un autre illustre représentant de cette école, "fondée" par l’Italien Greco).
Il est considéré comme étant le meilleur joueur du monde de 1851 à 1858. Anderssen dit avoir appris à jouer aux échecs grâce au livre de William Lewis, Fifty Games between Labourdonnais and McDonnell (1835), que lui avait offert son père.
Il fut également un problémiste reconnu, publiant dès 1842, Aufgaben für Schachspieler, une collection de 60 problèmes. Ce qui attira sur lui l’attention de la Pléiade berlinoise, nom donné à un groupe de sept champions d'échecs constitué à Berlin au milieu du XIXème siècle. (On leur doit notamment la défense berlinoise dans la partie espagnole).]
Diagramme – Staunton-Anderssen
Staunton-Anderssen, ronde 3, Londres 1851. Position après 28…h5.
Les Blancs jouent 29.Cf6+ et les Noirs, ne voyant pas la menace de mat, jouent 29…Rf7.
Les Blancs concluent par : 30.De8# 1-0.
[Event "London"]
[Site "London ENG"]
[Date "1851.06.23"]
[EventDate "1851.??.??"]
[Round "3.4"]
[Result "1-0"]
[White "Howard Staunton"]
[Black "Adolf Anderssen"]
[ECO "C54"]
[WhiteElo "?"]
[BlackElo "?"]
[PlyCount "59"]
1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. c3 Nf6 5. d4 exd4 6. e5 d5
7. Bb5 Ne4 8. cxd4 Bb4+ 9. Nbd2 O-O 10. O-O Bg4 11. Bxc6 bxc6
12. Qc2 Bxf3 13. Nxf3 Rb8 14. Qxc6 Rb6 15. Qc2 f5 16. a3 Be7
17. b4 f4 18. Ne1 Rh6 19. f3 Ng5 20. Nd3 Ne6 21. Bb2 Qe8
22. Rac1 Qh5 23. h3 Rg6 24. Nf2 Rg3 25. Kh2 Rf5 26. Qc6 Qg6
27. Rg1 Rfg5 28. Ng4 h5 29. Nf6+ Kf7 30. Qe8# 1-0
The Chess Tournament, livre rédigé par Staunton sur le tournoi de Londres de 1851, dont il était l’organisateur et l’un des 16 participants.
Le tournoi de Londres (1851)
Résultats – tournoi de Londres, 1851 (Source : Wikipédia).
Parties et résultats complets (en anglais)
https://www.chessgames.com/perl/chess.pl?tid=79453
Le jeu d’échecs Staunton
Pièces d’échecs – modèle Staunton
En 1849, Nathaniel Cooke (rédacteur en chef, The Illustrated London News) déposa un brevet pour le design de pièces d’échecs qu’il avait dessinées. Elles étaient compactes, bien équilibrées, et facilement identifiables. Howard Staunton en fit la promotion dans sa chronique dans le même journal (chronique d’échecs la plus lue au monde, à l’époque).
Les 500 premiers jeux (ébène et buis, ivoire) furent vendus dans un coffret signé par Staunton, contenant également un exemplaire de son traité d’échecs, The Chess-Player's Handbook.
Le modèle Staunton s’imposa rapidement dans le monde entier. Son design « néo-classique » victorien est inspiré de l’architecture de la Grèce Antique et de l’Empire romain - ex : forme des cavaliers inspiré par les chevaux du Parthénon (NDLR. - Les modèles antérieurs les plus courants -Barleycorn, Régence, St-George, modèle d’Europe centrale- étaient généralement de forme haute et étroite, se renversaient facilement au cours des parties. Leurs pièces se ressemblaient toutes, ce qui désavantageait un joueur peu familier du modèle utilisé par son adversaire).
Apprécié des amateurs comme des professionnels, le jeu d’échecs Staunton est le modèle recommandé par la FIDE pour les compétitions officielles d’échecs.
Pour en savoir plus : article – matériel du match S-Amant vs Staunton, Paris (blog : café de la régence – J.-O. Leconte)
La partie immortelle d’Anderssen
Si Saint-Amant fut absent du tournoi de Londres, un autre joueur du Café de la Régence, à Paris, était présent : Lionel Kieseritzky (éliminé lors de la première ronde par…Anderssen).
Lors d’une partie, en marge du tournoi qu’il venait de remporter, Anderssen, joueur romantique par excellence (NDLR. - l’attaque prime sur les considérations positionnelles – nous sommes à l’aube des échecs modernes), joua une partie remarquable contre Kieseritzky. C’est « La partie immortelle ».
Anderssen-Kieseritzky, Londres 1851.
Position finale après 23.Fe7#. Les Blancs ont sacrifié leur dame et leurs deux tours, pour mater les Noirs avec trois pièces mineures.
[Event "London"]
[Site "London ENG"]
[Date "1851.06.21"]
[EventDate "?"]
[Round "?"]
[Result "1-0"]
[White "Adolf Anderssen"]
[Black "Lionel Adalbert Bagration Felix Kieseritzky"]
[ECO "C33"]
[WhiteElo "?"]
[BlackElo "?"]
[PlyCount "45"]
1.e4 e5 2.f4 exf4 3.Bc4 Qh4+ 4.Kf1 b5 5.Bxb5 Nf6 6.Nf3 Qh6
7.d3 Nh5 8.Nh4 Qg5 9.Nf5 c6 10.g4 Nf6 11.Rg1 cxb5 12.h4 Qg6
13.h5 Qg5 14.Qf3 Ng8 15.Bxf4 Qf6 16.Nc3 Bc5 17.Nd5 Qxb2 18.Bd6
Bxg1 19. e5 Qxa1+ 20. Ke2 Na6 21.Nxg7+ Kd8 22.Qf6+ Nxf6
23.Be7# 1-0
Pour en savoir plus : article – Kieseritzky (blog : café de la régence – J.-O.Leconte)
Un problème d’échecs d’Anderssen
Les Blancs jouent et font mat en 4 coups.
A.Anderssen, Aufgaben für Schachspieler (Gourmandises pour joueur d'échecs), 1842.
Solution : 1.Fh5 Rxh5 2.Rg7 h6 3.Rf6 Rh4 4.Rg6#
[Event "Mat en 4 coups"]
[Site "?"]
[Date "1842.??.??"]
[Round "?"]
[White "A.Anderssen"]
[Black "Aufgaben für Schachspieler"]
[Result "1-0"]
[SetUp "1"]
[FEN "3BB2K/7p/7k/8/8/5P1p/7P/8 w - - 0 0"]
[PlyCount "7"]
1. Bh5 Kxh5 2. Kg7 h6 3. Kf6 Kh4 4. Kg6# 1-0
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